
Kampuchéa est le troisième ouvrage que Patrick Deville consacre aux grands explorateurs, après William Walker en Amérique latine dans Pura Vida en 2004 et Brazza en Afrique équatoriale dans Equatoria en 2009. Cette fois l'auteur nous emmène en Asie du Sud-Est.

La géographie de ce roman est simple. Le procès s'étirant en longueur dans la moiteur de Phnom-Penh, l'auteur entreprend de remonter tant dans sa narration que physiquement le fleuve Mékong, comme tant d'explorateurs avant lui. Il suit surtout le parcours de la canonnière française La Grandière, qui fut le premier bateau de cette envergure à remonter depuis le delta du Mékong jusqu'en Chine.
Dans Kampuchéa, Patrick Deville choisit sa propre échelle du temps. La découverte en 1860 des temples d'Angkor par Henri Mouhot, le chasseur de papillons, sera l'année zéro de son histoire, entremêlée à celle de la France.
Il nous raconte les premières découvertes d'aventuriers explorateurs comme Mouhot, Loti, ou encore Garnier et Lagrée qui furent les premiers à cartographier la région à la fin du 19ème siècle. Auguste Pavie, envoyé par la France, fixe alors et après négociations avec les Anglais, les frontières dans cette région et délimite des pays comme le Laos, le Cambodge et la Birmanie, non sans une certaine résistance du royaume de Siam, qui dominait la région jusqu'à présent.

Sans en faire le sujet du livre, sans surligner ce thème, il nous parle aussi des erreurs de la colonisation et des conséquences d'une décolonisation non encadrée. Il fait aussi le portrait de personnages qu'il croise au cours de son voyage : un commissaire énigmatique, d'anciens militaires traînant encore sur place, ou encore sa jeune traductrice.
L'écriture de Deville est léchée mais simple, elle a son rythme propre, celui d'un sampan naviguant sur le Mékong. Entre roman et décryptage historique, Kampuchéa relit un certains nombres de micro-histoires avec la grande Histoire pour nous donner en l'espace de 250 pages une vision précise de cette région. Et pour avoir aussi navigué entre ces différents pays pendant plusieurs mois, je peux dire qu'on en retrouve vraiment l'esprit, les dogmes, la chaleur, et les odeurs. Mais Kampuchéa se lit avant tout comme une aventure intense au cours de laquelle le lecteur apprend énormément sur cette région du globe finalement encore méconnue.
Pour finir, pour ceux qui seraient intéressés par la révolution Khmer et ses atrocités, je conseille 2 documentaires en plus de ce livre : S21, sorti en 2003 et Douch, le maître des forges de l'enfer diffusé sur France 3 au début de ce mois. Les deux films du réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh, essayent d'aider à la compréhension de ce génocide en confrontant victimes et bourreaux.
song "blues du mékong" by LA SOURIS DÉGLINGUÉE
kampuchéa by PATRICK DEVILLE (Seuil)
photo : carte de l'Indochine by Auguste Pavie
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