celebration of the lizard



Lorsque l'on me pose l'éternelle question "Beatles ou Rolling Stones ?", je réponds invariablement "Désolé, je choisis The Doors". Depuis les premières écoutes de l'album live Alive she cried acheté d'occasion à la fin des années 80, jusqu'à aujourd'hui et les 150 morceaux sur mon ipod, ce choix reste indiscutable. Au même titre que les deux groupes nommés ci-dessus, la bande de Jim Morrison a marqué l'histoire du Rock.

En 54 mois d'existence, de 1967 à 1971, ils sont rentrés dans la légende et ont vendu 80 millions d'albums. Depuis, le groupe californien continue à vendre 1 million de disques par an au gré des rééditions et autres best-of. En 1991, la bande originale du film d'Oliver Stone consacré aux Doors a également largement aidé une nouvelle génération à découvrir leur musique.

Cette fois-ci, c'est un documentaire qui ramène The Doors sous les projecteurs. Sorti juste avant l'été et intitulé When you're strange, le film de Tom DiCillo (Ça tourne à Manhattan) nous replonge dans les 60's. Si vous êtes un fan, vous retrouverez avec plaisir les images d'archives de concerts, de répétitions, de studio ou de promo TV. Par contre, assez peu d'images inédites à part quelques extraits de HWY : An american pastoral, où le chanteur apparaît encore svelte, barbu, cheveux longs au volant d'une voiture de sport sur une route désertique. À l'inverse, si vous ne connaissez ni l'histoire, ni la musique des Doors (mais où vivez-vous donc ?), le documentaire est un excellent condensé de l'histoire de ce groupe culte.

Tom DiCillo utilise à merveille les images du road movie filmé par Morrison lui-même en 1969, qu'il intercale avec les images de la vie réelle du groupe, pour nous plonger dans un rêve où Jim sillonne les routes de Californie à vive allure lorsqu'un flash info à la radio annonce froidement son décès, le 3 juillet 1971 à Paris. Retour alors dans le passé, en 1965, Jim Morrison est encore étudiant en cinéma à UCLA et rencontre par hasard Ray Manzarek. The Doors, c'est d'abord cela : un groupe d'artistes qui se rencontre dans le Los Angeles du milieu des années 60 et qui va essayer d'imposer son rock psychédélique et sexuel à une Amérique puritaine en pleine guerre du Vietnam et lutte pour les droits civiques.

On oublie souvent de dire que la musique des Doors ne serait pas ce qu'elle est sans l'apport essentiel des trois autres membres du quatuor, et notamment de Ray Manzarek (orgue électrique et piano basse) pour son jeu de basse si reconnaissable et de Robbie Krieger (guitare), compositeur de talent à qui l'on doit entre autres Light my fire. Ils signaient d'ailleurs collectivement les chansons avec en plus John Densmore, le batteur. Ainsi, le documentaire s'intéresse aux relations entre Jim Morrison et ses musiciens, qui ont au fil du temps de plus en plus de mal à gérer ses réactions imprévisibles. Il montre comment sur scène le groupe se cale sur le tempo délirant du "king lizard", pour faire chavirer le public dans une grande messe psychédélique à la limite de la transe (à voir : ici). Leur musique participe de l'élan de libération appelée de ses vœux par une jeunesse américaine placé sous cloche.

Bien sûr, le film fait aussi la part belle aux excès en tous genres. La vie du groupe a souvent été synonyme de sex & drugs & rock'n'roll. Incapable de gérer les effets secondaires de la gloire immédiate, Morrison tombe alors dans une spirale autodestructrice. Ses provocations à répétition sur scène, et notamment l'incident dit du "pénis" à Miami, qui lui vaudra un procès pour outrage aux bonnes mœurs, entraineront l'annulation de leur première grande tournée US. Toujours aussi créatif mais de moins en moins gérable (11 mois pour terminer l'album Soft Parade), il enregistre malgré tout le dernier album du groupe, L.A. Woman, en 1971, avant de se rendre à Paris pour se ressourcer. On connaît la suite.

Ce documentaire raconte parfaitement Jim Morrison, les Doors, mais dépeint aussi en creux l'Amérique d'avant la révolution sexuelle. Le charisme de Morrison captive à chaque plan. Transcendé sur scène ou timide dans la vie de tous les jours, on ne voit que lui. Il envoute par sa présence, sa voix, sa poésie.

Pour finir, cette phrase dite en voix off par Johnny Depp : "You can't burn out if you're not on fire".


song "celebration of the lizard" by THE DOORS
when you're strange by TOM DiCILLO
photo : LINDA McCARTNEY, 1968
graffiti "Sartre" by PITR

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