Tout amateur de football se rappelle où il se trouvait lorsque les télévisions ont pris l'antenne ce 29 mai 1985. Dès les premières images et les premiers commentaires, on pouvait se rendre compte qu'il se jouait devant nous quelque chose de grave. Au fur et à mesure des plans rapprochés dans les tribunes du Heysel, il fut confirmé très rapidement qu'un drame avait lieu, que des gens mourraient sous nos yeux. Alors après, le match, car il a bien eu lieu ce match (quelle honte !), n'avait plus aucune importance. Le penalty de Michel Platini en faveur de la Juventus n'est qu'une anecdote pitoyable. On apprit par la suite que des hooligans supporters de Liverpool avaient chargé dans une tribune italienne. Les tiffosis voulant se soustraire à la violence anglaise se sont tous dirigés vers le bas de la tribune compressant des centaines de personnes. 39 d'entre elles sont décédées et beaucoup d'autres furent blessées.
Le football et le hooliganisme ne sont absolument pas les sujets de ce livre. Laurent Mauvignier ne fait qu'utiliser cette trame pour faire évoluer ses personnages. Ce roman chorale démarre la veille au soir avec l'arrivée à Bruxelles de Jeff et Tonino, supporters de la Juventus sans le sous et sans billets pour le match. Ils croisent dans un bar Gabriel et Virginie, deux Bruxellois à qui ils voleront leurs places. On suit parallèlement le débarquement de Geoff et de ses frères, des anglais déjà bien imbibés prêts à en découdre. L'atmosphère est déjà très pesante dans la capitale belge. On croise également Tana et Francesco, qui viennent de se marier en Italie et qui ont eu deux places pour le match en cadeau.
Le jour du match, le destin va faire se croiser tous ces personnages aux alentours du stade du Heysel puis à l'intérieur. Parmi eux, un seul décédera suite à la bousculade, mais aucun n'en sortira indemne. Tous auront énormément de difficultés à reprendre le cours de leur vie. Le récit très réaliste de Mauvignier est bouleversant, violent par instant (les pages décrivant la résistance de Tana écrasée par la foule sont très dures). Il utilise les ruptures de rythme parfaitement, dans une langue très fluide, pour nous entraîner dans son histoire. Il décrit avec justesse ses héros, leur solitude et le chaos qui règne face au drame. Le choix de multiples monologues intérieurs, qui rappellent parfois David Peace, permet de connaître le point de vue des différents protagonistes, parfois contradictoires. Dans la foule est un grand roman sur la perte, la solitude et la résilience.
song "la foule" by EDITH PIAF
dans la foule by LAURENT MAUVIGNIER (Les Éditions de Minuit)
photo : tribune du Heysel le 29 mai 1985
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