Marre des expositions évènements du type de celle consacrée à Monet au Grand Palais depuis le mois de septembre dernier. Ces expositions, qui ont souvent un véritable intérêt artistique et qui présentent beaucoup d'œuvres en un seul lieu, sont de véritables blockbusters où le public se précipite un peu les yeux fermés, car elles deviennent l'événement culturel où il faut être allé. Cela fait bien dans les dîners. Mais du fait de cet engouement, il devient véritablement difficile de pouvoir voir les œuvres dans des conditions satisfaisantes. Il y a souvent trop de monde, l'attente est interminable pour entrer et les réservations sont sold-out rapidement. Sans parler du prix de la place souvent excessif. De plus, on a l'impression que désormais chaque exposition présentée a pour but de battre le record de fréquentation de la précédente avec des chiffres impressionnants : presque 800 000 personnes se sont rendues au Grand Palais pour l'exposition Picasso et les maîtres en 2009. Les sujets et les artistes choisis sont donc de plus en plus consensuels.
Cela dit, il arrive néanmoins que je me rende à l'une ou l'autre de ces expositions. La dernière en date : Basquiat, au Musée d'Art Moderne (MAM) de la ville de Paris. Première exposition de cette envergure sur l'artiste, il est étonnant de voir autant de monde se précipiter devant ses tableaux. En effet, souvent boudé par les musées parisiens, la dernière exposition digne de ce nom fut organisée en 2003 par la Fondation Dina Vierny au Musée Maillol. À cette époque et avec beaucoup moins de communication, cette belle présentation intitulée Jean-Michel Basquiat - Histoire d'une œuvre, n'avait pas vraiment attiré les foules. On pouvait alors prendre son temps devant chaque tableau sans personne pour vous gâcher la vue.
Bien qu'il y est beaucoup de monde au rendez-vous pour cette exposition 2010, le MAM organise pas trop mal les flux. La répartition du public permet d'avoir suffisamment d'espace pour voir convenablement les toiles et ne pas se sentir poussé vers la sortie. Présentées à l'occasion du cinquantième anniversaire de la naissance de Jean-Michel Basquiat, les toiles sont nombreuses : beaucoup d'œuvres réalisées en début de carrière permettant de voir l'évolution réalisée par l'artiste au cours de ses huit années de production, énormément de grandes toiles, spécialité de Basquiat, et surtout quelques toiles réalisées en collaboration avec Andy Warhol, rarement exposées.
La peinture de Basquiat ne peut laisser indifférent. C'est souvent un choc. En un coup d'œil vous savez si vous allez aimer ou détester. D'ailleurs, même lorsque vous appréciez son travail, ce n'est jamais dans son ensemble, certaines œuvres peuvent laisser complétement indifférent. Les toiles de Basquiat sont des interpellations, un cri. C'est une peinture de l'urgence où les couleurs vous sautent à la figure. Écorché vif, l'artiste met le corps humain sous toutes ses formes au centre de son œuvre. Il utilise formes et couleurs pour choquer, pour jouer avec notre imaginaire. L'écriture automatique en trois langues, souvent réduite à de simples successions de lettres, déstabilise également. Ses thèmes de prédilections sont l'Afrique, la condition sociale des Noirs américains, le corps, la musique, la mort ou l'autoportrait. Sa propre vie est au centre de cette œuvre, qui est en quelque sorte son journal de bord. En marge de l'expressionnisme abstrait et de la figuration libre, sans style vraiment défini, il utilise autant la peinture, le crayon, le collage sur des toiles de format parfois gigantesque, qui rappellent qu'à l'origine Basquiat utilisait les murs de New York comme support.
Jean-Michel Basquiat naît à Brooklyn le 22 décembre 1960, d'un père haïtien et d'une mère d'origine portoricaine. Très jeune, il commence le dessin. Ses parents, divorcés, l'encouragent dans cette voie. En 1968, il est renversé par une voiture et doit passer un mois sur un lit d'hôpital. Pour l'aider à tuer le temps, sa mère lui offre un exemplaire du célèbre manuel médical Anatomy de Gray composé de planches anatomiques. Le jeune Basquiat se fascine dès lors pour l'anatomie du corps. Ce livre aura une influence majeure sur sa peinture et sur l'utilisation du corps humain dans celle-ci.
En 1976, Basquiat, jeune adolescent, est inscrit à la City-as-School, une école spécialisée où il rencontre Al Diaz, un graffitiste avec lequel il commence à peindre à la bombe sur les murs de l'East Side et de Brooklyn. Signés SAMO (pour Same Old Shit), les graffitis de Basquiat sont un mélange de messages philosophiques et poétiques. Un article du Village Voice fait écho des écrits de SAMO, qui soulèvent un intérêt important du milieu artistique. En 78, il quitte sa famille. Pour vivre, il vend dans la rue des cartes postales et des t-shirts qu'il réalise lui-même. Andy Warhol lui achète d'ailleurs une de ces cartes à la sortie d'un restaurant de Soho.
En 1979, sa collaboration avec Al Diaz prend fin : "SAMO is dead" est tagué sur les murs de Soho. Toujours artiste de rue, il joue aussi de la clarinette et du synthé dans un groupe. À cette époque, il fait la connaissance de Keith Haring et de Kenny Scharf. Avec ce dernier et quelques autres, il participe à une première exposition commune en 1980. Encouragé par un article de la revue Art in America, il quitte son groupe de musique pour se consacrer entièrement à la peinture. Il est choisi pour jouer le premier rôle du film New York Beat, qui sera abandonné au milieu des années 80 par manque d'argent et finira par sortir en 2001, rebaptisé Dowtown 81. Le film sera sélectionné au Festival de Cannes en 2000 (bande annonce à voir : ici). Basquiat utilise son cachet pour acheter du matériel et pour pouvoir enfin s'installer dans un atelier pour travailler.
En 1981, il participe avec Andy Warhol, Keith Haring ou encore Robert Mapplethorpe à l'exposition New York/New Wave. Il est remarqué par le marchand d'art Emilio Mazzoli, qui organise sa première exposition personnelle à Modène. D'autres expositions collectives présentent ses œuvres et confirment ce début de reconnaissance. Anina Nosei devient son agent et lui propose d'utiliser le sous-sol de sa galerie comme atelier. En 82, le nom de Basquiat est sur toute les lèvres dans le petit monde de l'art contemporain : des expositions sont organisées à Los Angeles, à Zurich, à New York ou encore à Rotterdam.
En 1983, Basquiat qui participe à la Biennale du Whitney Museum of American Art à N.Y.C. fait la rencontre d'Andy Warhol, par l'intermédiaire de la rédactrice d'Interview Magazine. Une amitié basée sur le respect et l'admiration mutuelle de leur travail respectif lie bientôt les deux hommes. Le marchand, Bruno Bischofberger organise "les collaborations" de Warhol, Basquiat et de Francesco Clemente. Le succès de Basquiat lui permet de parcourir le monde. En 84, il rencontre Jennifer Goode, qui devient sa compagne. Il est malheureusement atteint fréquemment de crises de paranoïa de plus en plus inquiétantes, que l'abus de drogues aggrave un peu plus encore.
En 1985, Basquiat fait la couverture du New York Times Magazine (la photo est d'ailleurs reprise cette année comme affiche pour l'exposition au MAM). La presse n'accueille pas très bien l'exposition consacrée au travail commun avec Andy Warhol. Les liens entre eux s'en trouvent légèrement distendus. En 86, il voyage en Afrique pour la première fois. Jean-Michel Basquiat et Jennifer Goode se séparent. En 87, la mort d'Andy Warhol, des suites d'une opération, l'affecte énormément. Il ne sort plus beaucoup et sa production s'est considérablement ralentie. En 1988, il est exposé à Paris à la galerie Yvon Lambert et à la galerie Beaubourg. Au mois de juin, il fait une cure de désintoxication à Hawaii. En vain, car le 12 août, Basquiat décède d'une supposée overdose d'héroïne dans son appartement de Great Jones Street.
Andy Warhol, qui prophétiquement annonçait que Jean-Michel Basquiat faisait partie de "ce qui va rester" avait, comme le plus souvent, raison. Basquiat est enfin là, en France, exposé à sa juste valeur.
Cela dit, il arrive néanmoins que je me rende à l'une ou l'autre de ces expositions. La dernière en date : Basquiat, au Musée d'Art Moderne (MAM) de la ville de Paris. Première exposition de cette envergure sur l'artiste, il est étonnant de voir autant de monde se précipiter devant ses tableaux. En effet, souvent boudé par les musées parisiens, la dernière exposition digne de ce nom fut organisée en 2003 par la Fondation Dina Vierny au Musée Maillol. À cette époque et avec beaucoup moins de communication, cette belle présentation intitulée Jean-Michel Basquiat - Histoire d'une œuvre, n'avait pas vraiment attiré les foules. On pouvait alors prendre son temps devant chaque tableau sans personne pour vous gâcher la vue.
Bien qu'il y est beaucoup de monde au rendez-vous pour cette exposition 2010, le MAM organise pas trop mal les flux. La répartition du public permet d'avoir suffisamment d'espace pour voir convenablement les toiles et ne pas se sentir poussé vers la sortie. Présentées à l'occasion du cinquantième anniversaire de la naissance de Jean-Michel Basquiat, les toiles sont nombreuses : beaucoup d'œuvres réalisées en début de carrière permettant de voir l'évolution réalisée par l'artiste au cours de ses huit années de production, énormément de grandes toiles, spécialité de Basquiat, et surtout quelques toiles réalisées en collaboration avec Andy Warhol, rarement exposées.
La peinture de Basquiat ne peut laisser indifférent. C'est souvent un choc. En un coup d'œil vous savez si vous allez aimer ou détester. D'ailleurs, même lorsque vous appréciez son travail, ce n'est jamais dans son ensemble, certaines œuvres peuvent laisser complétement indifférent. Les toiles de Basquiat sont des interpellations, un cri. C'est une peinture de l'urgence où les couleurs vous sautent à la figure. Écorché vif, l'artiste met le corps humain sous toutes ses formes au centre de son œuvre. Il utilise formes et couleurs pour choquer, pour jouer avec notre imaginaire. L'écriture automatique en trois langues, souvent réduite à de simples successions de lettres, déstabilise également. Ses thèmes de prédilections sont l'Afrique, la condition sociale des Noirs américains, le corps, la musique, la mort ou l'autoportrait. Sa propre vie est au centre de cette œuvre, qui est en quelque sorte son journal de bord. En marge de l'expressionnisme abstrait et de la figuration libre, sans style vraiment défini, il utilise autant la peinture, le crayon, le collage sur des toiles de format parfois gigantesque, qui rappellent qu'à l'origine Basquiat utilisait les murs de New York comme support.
Jean-Michel Basquiat naît à Brooklyn le 22 décembre 1960, d'un père haïtien et d'une mère d'origine portoricaine. Très jeune, il commence le dessin. Ses parents, divorcés, l'encouragent dans cette voie. En 1968, il est renversé par une voiture et doit passer un mois sur un lit d'hôpital. Pour l'aider à tuer le temps, sa mère lui offre un exemplaire du célèbre manuel médical Anatomy de Gray composé de planches anatomiques. Le jeune Basquiat se fascine dès lors pour l'anatomie du corps. Ce livre aura une influence majeure sur sa peinture et sur l'utilisation du corps humain dans celle-ci.
En 1976, Basquiat, jeune adolescent, est inscrit à la City-as-School, une école spécialisée où il rencontre Al Diaz, un graffitiste avec lequel il commence à peindre à la bombe sur les murs de l'East Side et de Brooklyn. Signés SAMO (pour Same Old Shit), les graffitis de Basquiat sont un mélange de messages philosophiques et poétiques. Un article du Village Voice fait écho des écrits de SAMO, qui soulèvent un intérêt important du milieu artistique. En 78, il quitte sa famille. Pour vivre, il vend dans la rue des cartes postales et des t-shirts qu'il réalise lui-même. Andy Warhol lui achète d'ailleurs une de ces cartes à la sortie d'un restaurant de Soho.
En 1979, sa collaboration avec Al Diaz prend fin : "SAMO is dead" est tagué sur les murs de Soho. Toujours artiste de rue, il joue aussi de la clarinette et du synthé dans un groupe. À cette époque, il fait la connaissance de Keith Haring et de Kenny Scharf. Avec ce dernier et quelques autres, il participe à une première exposition commune en 1980. Encouragé par un article de la revue Art in America, il quitte son groupe de musique pour se consacrer entièrement à la peinture. Il est choisi pour jouer le premier rôle du film New York Beat, qui sera abandonné au milieu des années 80 par manque d'argent et finira par sortir en 2001, rebaptisé Dowtown 81. Le film sera sélectionné au Festival de Cannes en 2000 (bande annonce à voir : ici). Basquiat utilise son cachet pour acheter du matériel et pour pouvoir enfin s'installer dans un atelier pour travailler.
En 1981, il participe avec Andy Warhol, Keith Haring ou encore Robert Mapplethorpe à l'exposition New York/New Wave. Il est remarqué par le marchand d'art Emilio Mazzoli, qui organise sa première exposition personnelle à Modène. D'autres expositions collectives présentent ses œuvres et confirment ce début de reconnaissance. Anina Nosei devient son agent et lui propose d'utiliser le sous-sol de sa galerie comme atelier. En 82, le nom de Basquiat est sur toute les lèvres dans le petit monde de l'art contemporain : des expositions sont organisées à Los Angeles, à Zurich, à New York ou encore à Rotterdam.
En 1983, Basquiat qui participe à la Biennale du Whitney Museum of American Art à N.Y.C. fait la rencontre d'Andy Warhol, par l'intermédiaire de la rédactrice d'Interview Magazine. Une amitié basée sur le respect et l'admiration mutuelle de leur travail respectif lie bientôt les deux hommes. Le marchand, Bruno Bischofberger organise "les collaborations" de Warhol, Basquiat et de Francesco Clemente. Le succès de Basquiat lui permet de parcourir le monde. En 84, il rencontre Jennifer Goode, qui devient sa compagne. Il est malheureusement atteint fréquemment de crises de paranoïa de plus en plus inquiétantes, que l'abus de drogues aggrave un peu plus encore.
En 1985, Basquiat fait la couverture du New York Times Magazine (la photo est d'ailleurs reprise cette année comme affiche pour l'exposition au MAM). La presse n'accueille pas très bien l'exposition consacrée au travail commun avec Andy Warhol. Les liens entre eux s'en trouvent légèrement distendus. En 86, il voyage en Afrique pour la première fois. Jean-Michel Basquiat et Jennifer Goode se séparent. En 87, la mort d'Andy Warhol, des suites d'une opération, l'affecte énormément. Il ne sort plus beaucoup et sa production s'est considérablement ralentie. En 1988, il est exposé à Paris à la galerie Yvon Lambert et à la galerie Beaubourg. Au mois de juin, il fait une cure de désintoxication à Hawaii. En vain, car le 12 août, Basquiat décède d'une supposée overdose d'héroïne dans son appartement de Great Jones Street.
Andy Warhol, qui prophétiquement annonçait que Jean-Michel Basquiat faisait partie de "ce qui va rester" avait, comme le plus souvent, raison. Basquiat est enfin là, en France, exposé à sa juste valeur.
song "from despair to where" by MANIC STREET PREACHERS
exposition Basquiat jusqu'au 30 janvier 2011 au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris
paintings by JEAN-MICHEL BASQUIAT :
- no title, 1981
- self-portrait, 1982
- cabeza, 1982
- 6.99 with ANDY WARHOL, 1985
- pez dispenser, 1984
photo : extraite du film Dowtown 81 d'EDO BERTOGLIO, 1981
graffiti "Mr A" by ANDRÉ
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