L'exposition Willy Ronis - une poétique de l'engagement se termine à la Monnaie de Paris. C'est l'occasion de voir ou de revoir avant le 22 août quelques unes des plus belles photos de l'artiste décédé l'an passé.
On retrouve effectivement certains clichés connus, comme Le nu provençal ou comme Les amoureux de la Bastille, qui représente le Paris de l'après guerre au même titre que Le baiser de l'Hôtel de ville de Robert Doisneau, et qui a été sûrement comme celui-ci trop utilisé. Ce courant humaniste dont faisait partie Willy Ronis, représenté également par Cartier-Bresson ou René-Jacques, désirait donner une vision positive de l'être humain. Mais cette exposition ne se réduit pas à cela, elle est aussi intéressante pour les photos moins connues de Ronis : celles du monde du travail, celles de ses voyages à l'étranger, et celles de son intimité familiale et amicale.
Willy Ronis, fils d'émigrés juifs d'Europe de l'Est, est né à Paris en 1910. Sa mère est musicienne et son père artisan photographe. En 1932, c'est pour aider ce dernier gravement malade qu'il fit de la photographie son métier, contrariant une vocation de musicien. Au décès de son père en 1936, il devient photographe indépendant et commence par quelques collaborations avec le journal Regards. Il fait notamment un reportage sur le Front Populaire. Willy Ronis, militant communiste, se sent proche du milieu ouvrier et désire rendre compte des changements et des conflits du monde du travail, que ce soit chez Citroën en 1938 ou par la suite chez Renault en 50, ou dans les mines en 58.
C'est là où son travail est le plus marquant. Ce qui choque en premier lieu, c'est que cette France qui est sous nos yeux, n'existe plus. Cette France de l'industrie a disparu depuis longtemps : l'industrie textile présentée ici par Ronis en est l'exemple même. La quasi totalité du textile vendu en France vient désormais de Chine ou d'ailleurs. Ses photos nous montrent dans le même temps les visages et les corps des travailleurs abimés par un labeur difficile et leur outil de travail. Ce travail qui les rend fiers et qui en même temps les fait souffrir. C'est pour dénoncer les injustices sociales que Ronis couvre aussi les grèves et le travail militant des syndicalistes. Il a su dépasser dans son travail la poésie simple du courant humaniste pour développer rapidement une photographie de l'engagement.
En 1941, Willy Ronis quitte Paris pour éviter les rafles et rejoint la zone sud. Après la libération, en 1946, il rejoint l'agence Rapho et commence à travailler pour la presse étrangère, avec notamment des reportages pour Life et Times Magazine. Il a également fait divers reportages à l'étranger : en Belgique, à Londres, à New York ou encore aux Pays-Bas. Il partira également en RDA (1960 et 1967), ainsi qu'à Prague et à Moscou pendant la guerre froide. Ses photos, témoignage de vies ordinaires, sont importantes et représentent une fois encore un monde qui n'existe plus. Passant d'un cliché fait en Italie à une photo prise à Londres, et en compareant avec les images de Paris à la même époque, on s'aperçoit que les gens sont habillés différemment (le costume des Hollandaises est superbe !), les rues sont différentes, les bars ne se ressemblent pas... Les particularismes régionaux étaient flagrants à l'image, ce qui je pense à beaucoup disparu aujourd'hui.
Willy Ronis, se décrivant lui même comme un bavard, n'hésite pas à expliquer ses photos. À l'aide de ses anciens carnets, il a laissé beaucoup de notes décrivant la façon et le contexte dans lesquels il avait pu faire telle ou telle photographie. J'ai eu la chance de rencontrer par hasard Willy Ronis en 1998. Je ne connaissais pas son œuvre à cette époque et j'avais dû me rendre chez lui. Il était en train de trier des photos sur sa table de salle à manger et il me montra les quelques clichés étalés en m'expliquant ce que cela représentait. C'était déjà un vieux monsieur, mais il était très vif et volubile. C'est ensuite en me renseignant que j'appris qui il était. Je garde un très bon souvenir de la simplicité et de la gentillesse qu'il avait montré à mon égard.
La dernière partie de l'exposition s'intéresse à l'intime et regroupe divers portraits : de sa femme, Marie-Anne, et de son fils, Vincent, mais aussi de ses chats. Il y a également quelques portraits de personnalités croisées au cours de sa longue vie : Capa, Sartre, Prévert, Picasso. Ces photos témoignent elles aussi, avec une fois de plus un brin de nostalgie, d'une époque révolue.
Quand on pense qu'il ne s'agit simplement là que d'une infime partie des photos composant le fond cédé de son vivant par Willy Ronis à l'État français, on espère voir rapidement de nouvelles expositions pour découvrir de nouveaux clichés de ce photographe incontournable du 20ème siècle.
song "please take these photos from my hands" by SNOW PATROL
photos : rer chatelet-les-halles (1979), 14 juillet 1936 (1936) et Petits Napolitains (1938) by WILLY RONIS
graffiti with marker by NOMAD
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