pretty vacant



England's dreaming - Les Sex Pistols et le punk, signée Jon Savage, est la biographie du groupe anglais la plus aboutie et sûrement la mieux inspirée. L'auteur retrace l'histoire des Pistols mais décrit également longuement le contexte économique, social et culturel de l'Angleterre des 70's, qui a permis à ce mouvement d'émerger.

Tout démarre sur King's Road, à Londres, au début des années 70, où Malcolm McLaren et Vivienne Westwood ouvrent une boutique de vêtements conceptuelle et révolutionnaire, en réaction au look hippie qu'ils détestent tous les deux. Les vêtements proposés sont un mélange savant de pièces d'occasion, de T-shirts sérigraphiés et d'articles SM. Vont se croiser au N°430 tous les futurs protagonistes de la scène punk. La boutique prendra successivement les noms suivants : Let it rock, Too fast to live too young to die, Sex, Seditionaries puis Worlds end.

En 1973, les deux compères sont invités à NYC pour présenter leur collection. McLaren fait alors la connaissance des New York Dolls, groupe de rock glam qui devient cette année-là la coqueluche de la grosse pomme. Cette énergie spectaculaire l'impressionne et il revient à Londres avec l'idée de former un groupe dans cette mouvance. En 1974, il va voir sur scène un jeune groupe appelé The Strand, composé de Steve Jones au chant, de Paul Cook à la batterie et de Warwick Nightingale. Bien que le groupe n'ait pas de bassiste permanent et que leur présence scénique soit quasi nulle, McLaren est conquis. Il tient la base de son groupe, reste à trouver un chanteur charismatique.

Un jeune mec du nom de Sid Vicious, qui traîne régulièrement au N°430, présente John Lydon à McLaren à la fin de l'été 1975. Ce dernier, emballé par l'attitude de Lydon, lui propose le job, et après une audition assez difficile l'intègre dans le groupe. John Lydon, devenu Johnny Rotten, et le reste du groupe qui s'appelle désormais The Sex Pistols, se produisent pour la première fois sur la scène d'un club miteux de Londres en novembre. C'est également à cette période que le terme Punk apparaît pour décrire ce mouvement. En septembre 1975, un fanzine prend le nom de Punk.

Le mouvement se propage comme une trainée de poudre au gré des tournées des Pistols et des Clash en province, aidés par la multiplication des fanzines dont Sniffin' glue ou encore London's outrage, le fanzine de Savage. Après chaque concert se forment de nouveaux groupes : les Buzzcoks à Manchester, The Adverts à Torquay, Generation X ou encore Siouxsie and the Banshees à Londres...

Les Sex Pistols passent la plus grosse partie de l'année 76 sur les routes d'Angleterre et d'Europe (Paris en septembre) à prêcher la bonne parole punk. Ils sortent également un premier 45 tours : Anarchy in the UK. C'est à ce moment où le punk est prêt à s'imposer comme la musique de 1977 que les choses dérapent un peu pour les Pistols. L'industrie musicale leur fait les yeux doux depuis l'été, mais McLaren fait monter les enchères et retarde la signature. À peine signés chez EMI, toujours aussi provocateurs, ils lâchent une bordée d'insultes en direct sur un plateau télé. (à voir : ici) Le lendemain, ils font la une des tabloïds et sont devenus les ennemis publics N°1. Les pontes d'EMI, qui regrettaient un peu cette signature si peu en rapport avec le reste de leur catalogue, en profitent pour rompre le contrat. Ce scandale est malgré tout un énorme coup de pub.

En 1977, McLaren se débrouillera pour signer encore 2 autres contrats en Angleterre (A&M puis Virgin) et avec Barclay en France, Warner aux États-Unis, en empochant à chaque fois une avance confortable. Avec ce retard de signature, l'album des Sex Pistols ne sort qu'à l'été. Les scandales à répétition qui émaillent les concerts du groupe entraînent l'annulation de la majorité des dates. L'énorme coup médiatique autour du jubilé de la Reine (concert sur la Tamise et pochette du single God save the Queen reprenant le portrait de la Reine) n'y changera rien, au contraire.

Toutes ces interdictions, les dissensions internes de plus en plus flagrantes, qui se sont soldées par le départ du bassiste, vite remplacé par Sid Vicious, font que les Pistols et leur mentor ont perdu la main. Les Clash, avec qui ils sont en rivalité depuis le début, ont sorti leur premier album éponyme en avril et tournent sans relâche. Parias en Grande Bretagne, les Sex Pistols vont tourner en Suède, en Hollande, avant d'aller tenter leur chance pour la première fois aux Etats-Unis. Le 3 janvier 1978, la bande débarque à New York. Rien ne se passe comme prévu, les délires suicidaires opiacés de Sid Vicious accélérerent encore le mouvement vers la fin du groupe. Le 18 janvier John Lydon, qui n'aura jamais su gérer les retombées du succès, annonce à la presse son départ. Sid Vicious tente de faire survivre les Pistols jusqu'à son arrestation pour le meurtre de sa copine, Nancy Spungen, en octobre 78. Dépassé par son propre mythe, il meurt d'une overdose en février de l'année suivante. Il n'a que 21 ans.

Obnubilé par la réalisation de son film The great rock & roll swindle, McLaren n'aura pas su voir que son groupe s'est autodétruit plus vite que prévu.

Le livre de Jon Savage montre de façon très détaillée comment de jeunes musiciens assez communs sont devenus des icônes mondialement connues en à peine plus d'une année. Il décrit très précisément comment McLaren a façonné ce groupe, que ce soit au niveau du look, du son, des comportements, avant qu'il n'en perde le contrôle au final. Il présente très largement les scènes punk anglaise et américaine, ainsi que la naissance de ce qu'on appelle le post-punk : Joy Division, Gang of four, Cabaret Voltaire...


song "pretty vacant" by THE SEX PISTOLS
england's dreaming - les sex pistols et le punk by JON SAVAGE (Éditions Allia)

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